jacqueline dalla torre

Nous venons d’apprendre avec tristesse le décès de Jacqueline Dalla Torre le 9 avril à Saint-Maur, où elle vivait avec sa fille Xue.

Épouse de Jean Dalla Torre, Jacqueline était sa fidèle compagne de route, avec sa propre personnalité, plus discrète mais avec un caractère affirmé. Elle était co-conspiratrice de très nombreuses actions bénévoles et amicales qu’ils ont menées à Saint-Maur, Ceillac et bien au-delà.

Beaucoup de Ceillaquins et autres amis se souviendront de leurs séances de Scrabble, des nuits des étoiles, et, bien sûr, des déjeuners épiques à Laval.

Nous ne manquerons pas de boire un americano, façon Laval, à leur mémoire (avec glaçons s’il vous plaît…).

Ian P.

Jacqueline et Jean Dalla Torre au cours d’une manifestation de l’ANDEVA pour la reconnaissance des victimes de l’amiante.

Ci-dessous, un article paru en septembre 2015 sur ceillac.com, suite à la disparition de Jean Dalla Torre…

Jean Dalla Torre, disparition d’un humaniste

Nous avons la grande tristesse d’annoncer le décès de notre ami Jean Dalla Torre, survenu le vendredi 11 septembre 2015.

En réalité, « tristesse » ne faisait pas souvent partie du vocabulaire de Jean, sauf, peut-être, quand il s’agissait d’injustices vis-à-vis d’autrui, auquel cas, sa seule réponse était d’agir.

Avec une gueule qui était un doux mélange d’Hubert Reeves et de Léo Ferré, dont il avait emprunté à l’un comme à l’autre, nombre de concepts, son énergie était aussi grande que son appétit de vivre.  

Et son engagement était immense, avec une démarche qui fait inévitablement penser au livre de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ». Cela lui coûta le « trou » quand il s’opposa à la guerre d’Algérie, appelée pudiquement à l’époque « événements d’Algérie », dont la seule issue possible lui semblait l’évident droit à l’autodétermination du peuple algérien.    

La solidarité n’était pas un vain mot pour cet humaniste, aussi s’était-il engagé, à 23 ans, au Service Civil International avec lequel il consacra l’été 1957 à dégager le village de Ceillac enseveli sous les gravats suite aux terribles inondations qui ont marqué les esprits.

Les jeunes du Service Civil International à l’œuvre pour déblayer le village.
Jean avec les autres volontaires du Service Civil qui sont intervenus à Ceillac en 1957.

Sa découverte de la vallée et de ses nombreux atouts le feront revenir rapidement à Ceillac où il choisira de passer tous les étés, avec sa femme Jacqueline, en s’installant dans la maison Grossan à L’Ubac de Laval. Il avait fait de ce lieu bucolique un espace d’accueil et d’échanges pour le moins convivial où il tenait volontiers table ouverte, prenant un plaisir indicible à rencontrer, apprendre et partager avec générosité.

Passionné par l’astronomie, il passait des nuits entières, profitant de la clarté du ciel ceillaquin, à observer la voûte céleste, n’hésitant pas, là encore, à partager avec des néophytes ou d’autres, membres d’Astro-Queyras ou non, une association dont il a longtemps été membre. Lors de l’éclipse solaire totale de 1999 (90 % à Ceillac), il avait mis à contribution ses amis pour proposer à ceux qui le voulaient de vivre l’événement en direct, en mettant à disposition lunettes et télescopes. Plus de 400 personnes étaient présentes pour écouter Jean expliquer le phénomène. Un beau souvenir. 

La langue française était une autre de ses passions. Il avait entrepris de rédiger un dictionnaire limité à 4.500 mots, constitué de mots simples, avec des définitions puisant les mots dans ce seul dictionnaire, et avec donc, au final, un ouvrage accessible à celles et ceux qui, par plaisir ou obligation, devaient apprendre la langue de Molière.

L’été, avec Jacqueline, il animait les séances de scrabble qu’il proposait chaque semaine à l’école de Ceillac. Dans le Val de Marne, son département de résidence, il avait créé, il y a plus de 20 ans, une association d’alphabétisation (Lire & Écrire 94) qui connaît encore aujourd’hui une forte activité.

Bien sûr, serait-on tenté de dire, il était aussi membre d’Amnesty International, association pour laquelle il s’est beaucoup investi et qui rendra hommage à son action en lui consacrant un article (article Amnesty).

Témoignage de Christian Pallandre (club Francilien de Scrabble)
La plus belle cause de Jean aura été la défense des autres et notamment des prisonniers d’opinion au sein d’Amnesty International…
Jean ne semblait jamais gêné par les esprits étroits, les esprits raides, les esprits sourds et réexpliquait indéfiniment combien on doit s’indigner lorsque les autres ne sont pas respectés, les réfugiés ne sont pas accueillis, les différents de vous broyés. Le scrabble lui a permis de faire rayonner son désir de respect de la vie, de respect des autres. Jean préparait un dictionnaire des mots pour que chacun puisse s’exprimer et avait tant d’autres projets ! Jean, c’est la première fois que tu nous fais de la peine !

En 1996, atteint d’un mésothéliome (cancer de l’amiante), contracté quand il était électricien sur les chantiers entre 1958 et 1962 et en sursis depuis, sa plainte est prise en compte par le parquet (voir video INA). C’est la première reconnaissance en France de l’état de victime de l’amiante. S’en suivront d’autres grandes victoires collectives obtenues avec l’Association Nationale DEs Victimes de l’Amiante (ANDEVA) : la reconnaissance de l’état de victime, l’interdiction de l’amiante, et finalement la création, en 2000, du F.I.V.A. (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante). (voir article Andeva ~ janvier 2014).

Autre fait marquant de sa vie, l’accueil, il y a presque 10 ans, avec son épouse Jacqueline, d’une jeune chinoise, Xue, qui était en perdition. Après de multiples démarches, ils ont réussi à l’adopter officiellement…    

Article écrit par Michel C.
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