DERNIER ADIEU À SÉBASTIEN

Il y a une semaine que, dans le secteur du Viso (3841 m), les corps de Sébastien Deyres, Guide de Haute Montagne vivant à Ceillac, et de sa cliente haut-savoyarde, Marie-Pierre Preret, ont été retrouvés par les secours italiens dans un couloir entre le pas du Colonel et la pointe Gastaldi.

Ils étaient sur le parcours de la traversée Berhault, une longue course qui commence au col de la Traversette et parcourt l’arête jusqu’au pied du Viso.

Les circonstances de l’accident ne sont pas connues et une enquête a été ouverte par les autorités italiennes.

photo Sébastien Deyres
photo Marie-Pierre Pretet
Vue sur la traversée Berhault depuis le Monte Granero (photo Michel C.)

Aujourd’hui, l’église Saint-Sébastien a eu bien du mal à accueillir tous ceux qui désiraient l’accompagner et lui rendre hommage.

Après la messe célébrée par le père Eric, les témoignages livrés par ses proches et ses amis, qui partageaient avec Sébastien la passion de la montagne, ont provoqué une vive émotion.

Émile Chabrand, maire de Ceillac, est intervenu également pour rappeler le parcours de Sébastien et son investissement sur le territoire :

Sébastien, la nouvelle brutale de ta disparition dans le massif du Viso a choqué et endeuillé tout le village. Tu allais avoir 40 ans…

En 2016, avec ta compagne Claire, tu t’es installé à Ceillac, d’abord dans le logis de tes parents acquis en 1998. Puis, la commune a décidé de vous céder un terrain sur lequel vous avez bâti une maison qui résonne des cris de vos deux enfants, Louise et Nino.

S’installer à Ceillac était un choix. Le choix de la qualité de vie, d’un territoire resté préservé, de relations humaines fortes. Très vite, tout comme Claire, tu t’es investi dans la vie du village. Tu as intégré le corps des pompiers tandis que Claire, elle, était élue au conseil municipal.

Originaire de Valence dans la Drôme, tu as été initié très tôt à la montagne par tes parents. Tes premiers 3000 pyrénéens sont gravis à 8 ans. A partir de 9 ans, tu pratiques l’escalade avec Manu Ibarra, une véritable légende dans le milieu. Tu grimpes ton premier 4000 à 10 ans, effectues la traversée royale du Mont Blanc à 13 et la traversée de la Meije à 15. Depuis ton plus jeune âge, tu te passionnes pour la montagne et tu progresses très vite.

Après des études d’hydrogéologie, tu obtiens le prestigieux et tant désiré diplôme d’État de Guide de Haute Montagne. Pour étendre tes compétences, tu suis les formations de cordiste, de pisteur-secouriste, de moniteur de canyon et d’observateur nivo-météorologiste. Et tu décides de vivre de ta passion.

D’une polyvalence marquée, tu proposais bien sûr des courses en haute montagne mais aussi de l’escalade, du canyoning, de la cascade de glace, du ski de randonnée, ou encore des via ferrata… Tu avais su diversifier les activités proposées, répondant ainsi aux demandes variées des clients et palliant aussi les conditions parfois défavorables.

Si tu sillonnais tous les massifs et n’hésitais pas à proposer d’aller voir ailleurs, en Europe ou plus loin encore, tu avais une affection particulière pour la vallée de Ceillac que tu connaissais et parcourais depuis ton plus jeune âge. Tu y avais ouvert un certain nombre d’itinéraires de tous niveaux, au Péouvou ou à Assan par exemple, des voies que tu gravissais parfois en famille.

Posé, soigné dans la préparation des sorties, réactif, sachant s’adapter aux conditions, au milieu, à la météo, tu étais un professionnel accompli. Tu avais une bienveillance unique, sachant rassurer, donner confiance, faire progresser, répondre aux envies, aux rêves de tes compagnons de cordée.

Vendredi dernier devait être inaugurée une via corda qui parcourt, en toute discrétion, les contreforts de la cascade de la Pisse en la traversant à trois reprises. Tu étais l’initiateur de ce projet qui te tenait à cœur et dont tu avais établi le tracé et suivi l’équipement. Tu avais également en projet la création d’une structure permettant la pratique de la cascade de glace à proximité immédiate du village.

Sébastien, tu nous manques déjà. Je veux ici te remercier pour l’homme généreux et libre que tu étais et pour ce que tu as accompli pour notre vallée.

Article écrit par Michel C.
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