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L’histoire

PREMIERS HABITANTS DE LA VALLÉE

La vallée de Ceillac, a, semble-t-il, été occupée plusieurs siècles avant Jésus-Christ, comme en témoignent les vestiges de tombes mis à jour à L’Ochette dans les années quatre-vingt-dix. Fut-ce les Quariates qui s’installèrent dans le Queyras ou une autre peuplade, faisant partie des Caturiges, installée dans le Guillestrois ? Il est difficile de le dire.

L’Embrunais fit d’abord partie du Royaume de Cottius puis d’une province romaine ayant Suse (Italie) pour capitale.

La vallée suivit, avec quelque retard, le vaste mouvement du Christianisme aux IVème et Vème siècles, mouvement favorisé par l’instauration de la liberté religieuse (313) puis par l’adoption du Christianisme comme religion d’état (393).

Après la chute de l’empire romain et le début des grandes invasions (406), le sud-est passa successivement sous le joug des Wisigoths (484), des Ostrogoths (524), des Francs (537) et de Gontran, roi de Bourgogne qui s’arrogea tout le sud-est en 561. Durant cette période trouble, l’église devient la seule référence institutionnelle stable, quasi plénipotentiaire, intervenant dans les domaines de la justice, des finances…

Ensuite, les Alpes firent partie de l’empire de Charlemagne. Puis, il y eut quelques invasions qu’il fallut repousser : les Lombards et les Sarrazins au IX ème et au X ème siècles…

Moyen Âge : L’archevêque d’Embrun, seigneur de Ceillac

Le nom de Ceillac apparaît pour la première fois dans une bulle du pape Gélase II, datant de 1118 (valle ciliaci). Cette bulle confirmait la possession des églises de Guillestre, Risoul et Ceillac à l’abbaye de Saint-André de Villeneuve-lès-Avignon.

Après être passé entre les mains de différents puissants seigneurs (comte de Provence, comte de Forcalquier…), Ceillac incombe, dès le XIIIème siècle (bulle du pape en 1248), à l’archevêque d’Embrun qui demeurera pour de longs siècles le seigneur de Ceillac. Différentes reconnaissances seront établies stipulant les droits de l’archevêque (1327, 1489, 1495).

L’archevêque d’Embrun se considérait comme le maître des terres de Ceillac ; il touchait des droits sur la mouture, sur les moulins, sur les fours, sur la chasse, sur les troupeaux… sur les gens (jusqu’au XIV ème siècle). Il avait en plus droit de justice, comme tous les seigneurs de cette époque. Puis, les droits de l’archevêque furent convertis en une rente annuelle (60 écus or en 1582, 460 livres en 1742).

L’archevêque avait un officier, un mandataire (baile, plus tard châtelain) pour veiller à ses droits, celui-ci pouvant exercer la charge de consul (fonction comparable, en certains points, à celle de maire).

LES CONSULS, PREMIERS ÉLUS DE CEILLAC

Durant plusieurs siècles, le village est dirigé par le consul, secondé par 12 conseillers. Il est élu lors de l’assemblée générale des habitants se tenant sur la place du village.

Le consul s’occupait des règlements, des amendes, des saisies (1/2 part pour l’archevêque), de la délimitation, du traçage et de l’entretien des chemins, de la fixation des mesures, de la sécurité (incendie notamment avec visite des cheminées), des fours, des moulins, de la police rurale… Il pouvait, pour des décisions d’importance, convoquer la population en assemblée générale sur la place.

Le consul exerçait ses fonctions durant une année. Il avait en outre la charge d’organiser l’élection de son successeur qui se déroulait sous la présidence du châtelain.

XVIII ème et XIX ème SIÈCLES

Le XVIII ème siècle fut marqué par une suite de calamités : guerres, pillages, incendies, neige en abondance, loups… Ces malheurs auront d’autant plus de conséquences que le village était alors très démuni avec une population extrêmement pauvre comptant nombre d’indigents.

En 1788, voici comment le représentant de Ceillac à l’assemblée de Chorges, Sébastien Vallérian, présente le village de Ceillac, répondant aux 24 questions posées aux communautés :

« Dans les plus hautes montagnes du Dauphiné, pendant 4 à 5 mois du gros de l’hiver, personne ne peut sortir par rapport aux quantités de nège et coullées d’ycelle. Le 10 janvier 1788, les avalanches ont emporté 30 chalets. La population est de 875 personnes ; une grande mortalité régna en 1775, et le chirurgien de l’hôpital militaire d’Embrun attribua cette maladie à la mauvaise nourriture et à ce qu’ils mangeaient le pain sans sel. Les toits sont en planches et les maisons anciennes sont en partie construites de pièces de bois entaillées. Production : seigle et fourrage ; les forêts sont indivisées entre Guillestre et Risoul. Le terrain est minéral en plâtre ; preuve de cela, le 4 octobre dernier (1788), il y eut un enfoncement même dans le chef-lieu, contenant environ 20 toises de circonférence, où il se forma un lac et endommagea une maison.

Bétail : 30 mules, 65 bourriques ou ânes, 102 vaches, 1205 bêtes à laine. Le sel est tellement cher qu’ils ne peuvent s’en procurer. Les charges locales sont de 1822 livres et 1000 livres par an pendant 4 ans à l’archevêque d’Embrun pour arrérages. Les parcellaires sont de 1769. Les chemins sont impraticables jusques à la sauvegarde du Roy. »

La révolution française ne fut pas mal accueillie car elle marqua la fin des démêlés avec l’archevêque (procès durant des décennies), les droits seigneuriaux étant abolis.

En 1790, on note l’élection d’un maire et l’attribution de 85 fusils pour se défendre contre les ennemis de l’État. En 1791, le curé prête serment… En 1792, il remet les registres de baptêmes, mariages et sépultures à la municipalité.

Les conditions de vie s’avérant très difficiles, le XIX ème siècle, verra un exode rural massif des Ceillaquins. On passera ainsi de 921 habitants en 1831 à 380 habitants en 1900.

LE XX ème SIÈCLE

LE DÉCLIN

C’est sur un village qui se remet tout juste des terribles incendies de 1888 et 1889, qui l’ont en partie dévasté, que se lève le vingtième siècle à Ceillac. Inexorablement la population décroît. A une mortalité infantile à laquelle on semble se résigner, à l’exil des plus aventureux qui vont chercher à Paris, Lyon, Marseille, en Algérie ou encore en Amérique latine le travail qui manque au pays, va bientôt s’ajouter la tragique saignée de la première guerre mondiale : 17 morts, près du tiers de ces jeunes qui étaient partis en Août 1914, pour une guerre éclair qui devait « rendre à la France » l’Alsace et la Lorraine .

     On vit au rythme des travaux des champs et des animaux domestiques dont on partage le logis pendant les mois du long hiver. De mai à octobre, tout ou partie de la famille s’installe dans les chalets d’alpage. On mange ce qu’on produit. On boit le clairet que chaque famille produit à sa vigne d’Eygliers ou de Guillestre. On échange la laine contre du drap. On vend du fromage, quelques agneaux, des veaux pour acheter du sel, de l’huile, des chaussures. On fait son bois, on construit sa maison et ses meubles comme l’ont fait les anciens. Deux ou trois fois par an, on fait la fête, simplement, on veille tous les soirs. On se distrait de rien.

Les rares personnes en déplacement occupent les quelques chambres de l’hôtel Favier. Comme l’indique une enseigne, longtemps visible sur la maison Bles, « Ici, on loge à pied et à cheval chez Nicolas Aubergiste. »

     La présence tutélaire du curé se fait sentir partout et tout le temps. L’instituteur et le garde forestier sont également craints. Le maire commande les corvées, administre du mieux qu’il peut le quotidien et, régulièrement, fait appel à la sollicitude du préfet, en vain.

VERS LE PROGRÈS

Lentement, le progrès arrive. Après le téléphone installé pour et par l’armée, c’est l’électricité qui est dispensée par « l’usine » construite par la commune en 1928. Depuis plus de trente ans, l’abbé BUES a électrifié Ristolas. Par la route étroite et chaotique, arrivent les premières voitures. La guerre éclate à nouveau. Trois jeunes y trouvent la mort. Ni actes héroïques, ni trahisons. La guerre avec l’Italie voisine n’a duré que quelques jours et l’armée d’occupation, ce ne sont que quelques Allemands débonnaires. L’unique poste de radio diffuse des nouvelles  aseptisées.

    On consulte plus souvent le médecin, les femmes commencent à accoucher  à  la  maternité . Quelques  enfants  partent « aux études »  et pas  seulement  au  séminaire  qui  reste pourtant la seule école  supérieure gratuite. L’eau potable est arrivée dans chaque maison. C’en est fini des va-et-vient continus à la fontaine, dans la neige et le froid, pour aller chercher l’eau des bêtes et des gens.

    Malgré l’arrivée des premiers touristes, les jeunes continuent de partir, les jeunes filles surtout. Le travail de la terre est trop dur et ne rapporte rien. Les distractions sont trop rares.

    Dans la nuit du 13 juin 1957, de terribles inondations surviennent qui auraient pu anéantir le village à jamais. Un vaste mouvement de solidarité et l’acharnement de quelques-uns transforme en électro-choc salutaire  ce qui aurait pu provoquer la mort de cette  petite  commune de montagne.

Initié par la municipalité PERRON,  le remembrement agricole est achevé par la municipalité GAUTHIER. Il évolue et devient le premier « remembrement‑aménagement » qui, outre la restructuration du foncier agricole, prend en compte la création d’un lotissement ou devaient être reconstruites les maisons du village qu’on croyait alors condamnées. Deux fils‑neige offerts à la commune et un petit téléski construit par dix habitants du village : ce sont les premières remontées à Ceillac, trente ans après Aiguilles ou Saint‑Véran.

LE RENOUVEAU ET L’ESPOIR

«Dans l’histoire de Ceillac, les années qui viennent de s’écouler resteront celles du renouveau et de l’espoir.» C’est ainsi que Célestin GROSSAN, en mars 1983, résume l’œuvre de Philippe LAMOUR qui, après 18 années, achève son mandat de maire de Ceillac.

     Avocat et journaliste, ce père de la politique française de l’aménagement du territoire a accepté de prendre en main en 1965 les destinées du village où il vient chasser depuis 20 ans. Pour conduire le renouveau, il crée dans le Queyras l’un des premiers syndicats intercommunaux à vocations multiples, les sociétés d’intérêt collectif agricole dirigées par Alfred MOYRAND, l’une en charge de la création du parc immobilier, l’autre de la création et de la gestion des remontées mécaniques. Il crée également le parc naturel régional du Queyras, l’association pour la Grande Traversée des Alpes…

     Des jeunes, en particulier des jeunes femmes venues de l’extérieur, s’installent. La population augmente. Il faut construire une nouvelle école. 20 ans après, par leur réussite dans des études supérieures, nombre de ses élèves font honneur à leur village. Les reportages sont nombreux à la télévision et dans la presse magazine qui saluent cet exemple de rénovation rurale. A côté des équipements destinés à l’accueil touristique, on construit une bergerie collective d’été, un réseau d’irrigation par aspersion, on crée une foire aux moutons et on entreprend un programme conséquent de restauration du patrimoine bâti de la commune qui se poursuit encore. Quelques jours après son élection en mars 1983, Antoine REYNAUD Maire, inaugurera la Poste de Ceillac.

     Après trente années pourtant couronnées de succès, cette aventure collective, car c’est bien le sens de l’action menée à Ceillac, s’essouffle et déjà les recensements de la population et les effectifs scolaires en accusent les effets. Avec le 21ème siècle, certainement surviendra le sursaut.  Comme celles qui les ont précédées, les jeunes générations sauront relever ce nouveau défi qui se présente à elles.

ANNEXES

POPULATION

ORIGINE DU NOM DE CEILLAC

L’étymologie est peu sûre et sujette à controverses. Voici quelques-unes des hypothèses :

  • seilla : du bas latin qui signifie forêt
  • coelius : du nom d’un notable romain à qui appartenait Ceillac (le suffixe -acum signifiant appartenant à).
  • ciel + lac : La présence probable d’un lac d’origine glaciaire, à l’emplacement même du village, expliquerait l’origine du nom du village. Cette hypothèse est très contestée et, en tout état de cause, peu vraisemblable.

DATE D’APPARITION DE NOMS DE QUELQUES FAMILLES DANS LES ARCHIVES

Chabrand ~ 1270
Grossan ~ 1300
Arnoux ~ 1318
Coni ~ 1327
Marchis, Eymard ~ 1342
Reynaud ~ 1395
Peyron ~ 1550
Favier, Fournier, Guérin ~ 1638
Carle ~ 1594
Belon, Messimily ~ 1693
Puis, Colombet ~ 1710
Article écrit par Michel C.
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