Géologie de la vallée et du Queyras
L’étude de la géologie de Ceillac ne se suffit pas à elle-même. Pour concevoir la diversité géologique de Ceillac, il est nécessaire d’appréhender celle du Queyras et par la même comprendre l’orogénèse alpine dans sa globalité.
ÉCHELLE DES TEMPS GÉOLOGIQUES
Afin de mieux percevoir l’échelle des temps géologiques, une idée fait souvent son apparition dans les cours de géologie : celle de ramener l’histoire de la Terre à une année.
C’est alors que si, au 1er janvier, correspond la formation de la planète Terre, le mois d’avril voit l’apparition des premiers êtres vivants. Le 1er décembre correspond au début du Carbonifère, c’est-à-dire l’époque à laquelle la majorité de la planète est recouverte de fougères géantes qui, en fossilisant depuis, ont formés les fameuses réserves en charbon utilisées depuis la Révolution industrielle ! Entre le 12 et le 24 décembre correspond alors la dynastie des dinosaures. Au 15 décembre il y a formation de l’océan alpin, le 25 décembre commence le plissement alpin et enfin, le 31 décembre à 20 h l’Homme apparaît.
L’OCÉAN ALPIN
Pour être précis, il y a 350 millions d’années, le Queyras correspond à une zone géographique de petite taille située sur un continent unique constitué par de la croûte continentale. C’est l’époque du Carbonifère, dont quelques traces subsistent encore ça et là, à l’heure actuelle, dans le Briançonnais où les mines de charbon artisanales ont été exploitées jusqu’au début du XX ème siècle.
Il y a 240 millions d’années, sous l’influence de divers mouvements tectoniques, cette croûte continentale s’étire et donc s’amincit. Une partie de cette croûte continentale s’amincit tellement qu’elle permet son envahissement par l’eau de mer. Il y a émergence d’un « bassin » rempli d’eau.
Il y a 180 millions d’années, les mouvements tectoniques persistants, le continent se rompt et s’effondre mais les morceaux ainsi formés restent en contact. La partie centrale reste sous l’eau alors que quelques lambeaux restent encore à l’air libre. Les terrains immergés sont nommés « marges passives ».
Il y a 154 millions d’années, enfin, l’océan alpin se créait à la faveur d’un volcanisme sous-marin. La croûte continentale se rompt entièrement mettant à nu le manteau terrestre, qui au contact de l’eau se refroidit très rapidement. Cela crée du basalte. Cette roche au contact direct avec l’eau va prendre la forme de « coussins » ou « pillow lavas » mais ne contiendra aucun cristal tant le refroidissement est rapide. En revanche, en profondeur, le refroidissement est plus lent et forme donc du gabbro, composé par des cristaux bien différenciés. Ces deux roches forment la croûte océanique générée par un volcanisme sous marin. Ce même volcanisme éloigne donc deux masses continentales distinctes.
Au final, désormais, 2 continents sont présents, l’Europe d’une part et l’Afrique d’autre part. Il est à noter que pendant ce magmatisme, sous l’eau, il y a dépôt de sédiments marins, à la fois sur les marges passives, c’est-à-dire sur les croûtes continentales immergées, mais aussi sur la croûte océanique nouvellement formée.
DISPARITION DE L’OCÉAN ~ ÉMERGENCE DES ALPES
Il y a 70 millions d’années, les mouvements tectoniques s’inversent. Les deux continents précédemment créés se rapprochent. La croûte océanique, plus dense, s’enfonce sous les croûtes continentales. L’océan alpin disparaît. Les sédiments marins peu denses ne plongent pas avec la croûte océanique et forment un prisme d’accrétion. En même temps, quelques morceaux de croûte océanique sont arrachés et restent en surface. Désormais la mer sépare géographiquement les deux continents. Géologiquement, ils sont toujours côte à côte.
Il y a 30 millions d’années, les croûtes continentales des deux continents se rencontrent, l’Afrique monte sur l’Europe. Entre les deux continents restent coincés le prisme d’accrétion et quelques morceaux de croûte océanique. Ce mouvement continue encore de nos jours.
QUEYRAS CALCAIRE ET QUEYRAS SCHISTEUX
Un fois cet historique fini, nous pouvons mieux comprendre les terrains qui composent le Queyras. De manière générale on a coutume de distinguer le Queyras calcaire, à l’ouest, du Queyras schisteux, à l’est.
Le Queyras calcaire est composé essentiellement des anciennes marges passives et des sédiments déposés dessus. Il est constitué de calcaire, calcaires dolomitiques et dolomies qui forment les sommets les plus hauts et les plus découpés du Queyras (massif de la Font Sancte, Massif de Rochebrune, Montagne d’Assan).
Le Queyras schisteux, à l’est, est composé de l’ancien prisme d’accrétion et ça et là des lambeaux de croûte océanique. L’ancien prisme d’accrétion forme aujourd’hui les schistes lustrés qui offrent des reliefs plus ouverts et moins accidentés que le Queyras calcaire. En effet, en amont du verrou glaciaire de Fort Queyras, les vallées s’ouvrent ce qui contraste profondément avec la combe du Guil. Au beau milieu de ces schistes lustrés émergent des morceaux de croûte océanique. Celle-ci est souvent appelée roches vertes ou ophiolites et est composée d’une grande diversité de roches : gabbro, basalte, serpentine. Les sommets les plus hauts du Queyras schisteux sont formés par ces roches (Bric Bouchet, Tête de Pelvas, Tête des Toilies…). En extrême marge est du Queyras, on peut citer le Mont Viso qui correspond à un énorme massif de Gabbro. Ici le gabbro est particulier par sa dureté ce qui explique qu’il est moins été soumis à l’érosion et donc fait comprendre son altitude actuelle.
Ce simple résumé géologique du Queyras suffit à expliquer certaines caractéristiques hydrologiques et écologiques de celui-ci. En effet, le Queyras calcaire en raison de son relief et des propriété chimiques de roches qui le compose ne peut retenir suffisamment l’eau en surface. Le Queyras calcaire est donc la partie la plus sèche du Queyras superficiellement. En revanche en profondeur, une multitude de galeries convergent vers des nappes phréatiques de grandes tailles ce qui en fait une région karstique à l’instar des massifs sédimentaires du Vercors ou de la Chartreuse. Le Queyras schisteux, quant à lui, est caractérisé par une grande imperméabilité de ses sols de surface ce qui explique sa relative verdure par rapport au Queyras calcaire. Toutefois, cette spécificité, liée au climat particulier du Haut-Guil de par ses retours d’est fréquents, explique également les inondations récurrentes de cette partie du Queyras.
ET CEILLAC DANS TOUT ÇA ?
La commune de Ceillac a la particularité de se trouver à la limite des deux Queyras géologiques. En effet, si la vallée du Mélézet est essentiellement taillée dans le Queyras calcaire, la vallée du Cristillan se trouve, dans sa plus grande partie, dans le Queyras schisteux. A noter toutefois que les limites entre Queyras calcaire et Queyras schisteux ne sont pas aussi simples qu’il n’y parait. On peut considérer hâtivement que le vallon d’Albert constitue cette limite sur la commune de Ceillac.
Le massif de la Font Sancte, le plus haut du Queyras (3385 m), est composé de calcaire dolomitique.
Le massif du Cristillan est représentatif des roches vertes du Queyras. On y trouve notamment la serpentine en grande quantité, jadis utilisée pour la construction, sous l’appellation erronée « Marbre vert ». Le basalte est également présent sous le Pic de la Roche noire même s’il ne se présente pas en une falaise immense comme le massif du Chenaillet, mondialement connu limitrophe des communes de Cervières et de Montgenèvre.
Le plateau de Ceillac, où se situe le vieux village, est complètement inclus dans le Queyras calcaire. Cette vaste étendue constitue donc une exception dans le Queyras calcaire. En effet, cette situation particulière est liée à l’histoire plus récente de cette vallée. Lors du Quaternaire, quatre épisodes de glaciation se sont succédés entraînant un creusement de la vallée. Cependant l’optimum de glaciation durant ce quaternaire ne permis pas de creuser plus loin que la Viste. C’est pourquoi, après le retrait total des glaciers de la vallée, l’accumulation des sédiments transportés par le Cristillan et le Mélézet contre le verrou glaciaire de la Viste permis la formation, petit à petit, d’un lac dont le fond se combla avec le temps.
Jean-Baptiste Portier