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Philippe Lamour

Philippe Lamour a été maire de Ceillac durant 18 ans.

C’est en 1961, que des Ceillaquins ont tiré par la manche cet homme alors président de la commission nationale de l’aménagement du territoire afin qu’il aide la vallée de Ceillac qui se mourrait.

Élu maire en 1965, il crée les infrastructures pour aménager le Queyras par les habitants et à leur seul profit.

Mais laissons à Christian Grossan, son collaborateur durant de très longues années, le présenter…

12 Février 1903 : naissance de Philippe LAMOUR

Le 12 février 1903, naissait à Landrecies, dans le Nord, Philippe LAMOUR.

C’était il y a plus de cent ans.

Cadet de 3 enfants, après la mort de sa mère alors qu’il n’a que 5 ans, il sera élevé  » dans une petite demeure aux volets verts  » à l’orée des bois près de la ferme familiale par la femme d’un garde-chasse, le père TONDEUR.

Le 25 juillet 1992, Philippe LAMOUR s’éteignait, à 89 ans, à son domicile de Bellegarde, dans le Gard, ce département dont il avait été le Commissaire Adjoint de la République à la Libération.

Après des études en Belgique puis à Paris, Philippe LAMOUR est bachelier à 15 ans ½ et licencié en droit 4 ans plus tard. « A 20 ans, il était avocat au barreau de Paris et célèbre à 30. La voix, le port, la puissance de travail, une audace à la Danton, il avait tout pour dompter les prétoires et les grandes causes des années trente le virent au premier rang » dit de lui Jean LACOUTURE.

Philippe Lamour, avocat lors de l’affaire Seznec (photo Archives)

C’est précisément à cause de cela que Philippe LAMOUR a dû fuir la capitale. Il avait intenté un procès à HITLER mécontent d’une traduction de « Mein Kampf ». Auparavant, en qualité de correspondant de presse, il avait vécu la Guerre civile d’Espagne et il fut alors de ceux, rares, qui dénoncèrent les accords de Munich. Dès 1931, dans la revue « Plans » qu’il dirige et où il côtoie outre Jeanne WALTER dont il épousera la fille, Le Corbusier, Jean Giono, André Cayatte, Daniel Roger, Fernand Léger, Claude Autant-Lara, il écrivait : « Nous appartenons à la génération qui aura à reprendre le monde en main après une catastrophe que nous n’avons pas la possibilité d’empêcher, et c’est dès maintenant à la reconstruction que nous devons nous préparer ». Philippe LAMOUR n’aura de cesse, tout au long de sa vie, de faire progresser et évoluer les situations et les hommes. Sa journée n’était réussie que s’il avait pu, fût-ce de peu, améliorer quelque chose .

Avant de s’établir à Bellegarde, la famille LAMOUR a essayé de s’installer dans le Massif Central, à Gannat lorsque Philippe, engagé volontaire dans l’infanterie pour la durée de la guerre est démobilisé. Il remet une exploitation agricole en état mais quitte GANNAT peu après qu’y soit installée à proximité, à Riom, la Cour martiale du gouvernement de VICHY.

Apprenant le décès de Philippe LAMOUR, Jean-François PONCET qui l’avait rencontré à l’occasion de la dernière assemblée générale de l’A.N.D.A.F.A.R. qu’il présidait depuis sa fondation, déclarait : « Philippe LAMOUR a éclairé de son génie toute ma génération. J’avais pour lui, depuis longtemps, une révérence que son inoubliable intervention à la convention de BORDEAUX en 1991, avait réveillée et renforcée».

A Bellegarde, l’héritage de sa merveilleuse épouse Ginette leur permet d’acquérir le mas Saint Louis de la Perdrix qui deviendra le port d’attache de la famille.

Il devient président de la chambre d’agriculture du Gard et, à ce titre, participe à la création de la toute puissante Confédération Générale de l’Agriculture dont il est, dans la foulée, désigné Secrétaire Général.

Il parcourt la France, en pleine reconstruction et c’est de cette manière qu’il découvre les Hautes-Alpes et le Queyras avant de se fixer à Ceillac.

Le 27 juillet 1992, Raymond LACOMBE, le truculent tribun de la F.N.S.E.A écrit : « Rarement homme aura autant marqué si fortement son époque au cours de sa longue vie toute d’action au service des autres. C’était un précurseur, un prophète, un militant inlassable du combat pour la paysannerie et la ruralité. »

Les appellations d’origine, les V.D.Q.S. et la politique d’aménagement foncier datent de cette époque.

(photo Archives)

Apprenant le décès de Philippe LAMOUR, Jean-François PONCET qui l’avait rencontré à l’occasion de la dernière assemblée générale de l’A.N.D.A.F.A.R. qu’il présidait depuis sa fondation, déclarait : «Philippe LAMOUR a éclairé de son génie toute ma génération. J’avais pour lui, depuis longtemps, une révérence que son inoubliable intervention à la convention de BORDEAUX en 1991, avait réveillée et renforcée».

Après avoir rencontré Jean MONNET auquel le lia une grande admiration et une réelle amitié, il devient Président du Conseil Supérieur de la Construction puis de la Commission Nationale d’Aménagement du Territoire dont naîtra la D.A.T.A.R. dont on a célébré le 8 février dernier les 40 ans.

Philippe LAMOUR est désormais un expert reconnu qui parcourt le monde pour la F.A.O., l’O.C.D.E., le F.M.I. et l’O.N.U. Il acquiert la conviction qu’un plan mondial doit être mis en œuvre si on veut prévenir les risques que fait courir à l’humanité toute entière l’indigence de populations trois fois plus nombreuses que celles des pays développés. Et ce sera l’obsession de ses dernières années. Il n’aura pas eu le temps d’ écrire le livre qu’il préparait et dans lequel il exprimait ses convictions passionnées sur le monde rural, sur l’éducation, le chômage et surtout sur l’inégalité criante de la condition des hommes dans le monde et des dangers qui en découlaient.

Avec son petit-fils (photo Archives)

Au début des années 60, il anime à la télévision l’émission « 60 millions de Français » et publie, sous le même titre, un ouvrage consacré à l’aménagement du territoire qui, 40 ans après, n’a rien perdu de son piquant. Olivier GUICHARD, sur les ondes de France Culture disait : « Il avait démontré que l’Aménagement du territoire, ce n’est pas seulement un équilibrage de niveau de vie entre les régions mais que, pour arriver à cet équilibre, il fallait passer par l’intermédiaire des grands travaux ». L’aménagement du territoire bien conçu, ce n’est pas l’anesthésie des régions les plus défavorisées pendant que les plus fortes se développent. C’est au contraire par la création d’infrastructures adaptées donner aux régions demeurées en marge du développement les moyens de compenser leurs handicaps voire de les transformer en atouts.

Comme Président Directeur Général de la Compagnie Nationale d’Aménagement du Bas-Rhône Languedoc crée avec la complicité de Pierre Mendes-France, il modifie profondément le paysage de toute la région depuis Perpignan jusqu’à la vallée du Rhône. Le Général de GAULLE visite le canal qui porte désormais le nom de Philippe LAMOUR. KROUTCHEV fait de même. Et sur le littoral languedocien démoustiqué, naissent les stations balnéaires du Grau-du Roi, et de la Grande Motte dont le collège porte lui aussi le nom de Philippe LAMOUR. C’est aussi de ce nom qu’ont été baptisés un lycée de Nîmes et l’amphithéâtre de l’Agro de Montpellier et on le retrouve dans la grande arche du Conseil Régional du Languedoc Roussillon, en souvenir de celui qui présida pendant 20 ans le Comité Économique et Social Régional. Jusqu’à la veille de sa mort, dans le Midi Libre, il signe une tribune pleine d’esprit  » bon sens ne peut mentir « .

Avec le Général de Gaulle
Avec Nikita Kroutchev

Aujourd’hui, alors que le débat sur la décentralisation est lancé à travers le pays, il est intéressant de relire ce qu’il écrivait en 1931, c’était il y a 72 ans, en traçant « un cadre naturel à l’économie organisée » :

« autonomie administrative des régions, constituant par la solidarité de leurs activités, l’unité de leurs marchés, la convergence de leurs moyens de communication des groupes d’intérêt naturels ;

– libre union de ces régions autonomes en une Confédération assurant leurs services communs et la coordinations de leurs efforts ;

– représentation des unités naturelles devant et dans la confédération fondée sur l’homme réel, c’est à dire l’homme en tant qu’il appartient à une région et à un métier, réalités concrètes et limitées qu’il connaît et sur lesquelles il peut se prononcer avec compétence. »

Jean-Louis EZINE pouvait écrire dans le Nouvel Observateur « Philippe LAMOUR aura tout présidé, tout, sauf la République »

Maire de Ceillac pendant 18 ans, président fondateur du Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple du Queyras qui par l’intermédiaire de sociétés d’Intérêt Collectif Agricole dotera la région d’un parc immobilier important, d’un réseau de remontées mécaniques et de sentiers de randonnées pédestres qui permettront aux vallées de ce haut-pays d’échapper à la ruine économique et démographique qui les menaçait, président fondateur du Parc Naturel Régional du Queyras, Philippe LAMOUR s’est profondément investi dans le développement de la montagne. Aux caciques qui prédisent alors, dans leurs bureaux parisiens, qu’il conduit le Queyras à la faillite il répond : « L’échec, il est déjà acquis. C’est de là qu’on repart pour tenter d’en sortir ».

Inauguration des remontées mécaniques à Ceillac

Dans  » Le cadran solaire  » (Prix des Maisons de la Presse en 1980) et dans  » Les hauts pays  » (Prix François SOMMER en 1982), il a décrit avec une émotion tout en nuances les paysages du Queyras qu’il connaissait dans leurs moindres détails et les scènes de la vie quotidienne.

La place du village de Ceillac porte son nom, comme le sentier de Grande Randonnée GR 58 et c’est autour de lui qui l’avait créée que l’association pour la Grande Traversée des Alpes a choisi de fêter son vingtième anniversaire en septembre 1991. Philippe LAMOUR qui a présidé également pendant plusieurs années le Comité de Bassin Rhône Méditerranée Corse a longtemps avant tout le monde attiré l’attention sur l’importance majeure de la ressource en eau dans l’équilibre mondial.

S’il a consacré un ouvrage sarcastique à l’écologie « L’écologie oui, les écologistes non », il était pénétré de l’importance vitale de la protection de l’environnement encore qu’il n’aimât pas le mot. Pour lui, la protection de l’environnement ne devait pas être une philosophie abstraite ni la bonne conscience de ceux qui le détruisent inconsciemment. Ce devait être la recherche volontaire et constante, pragmatique et intelligente du meilleur équilibre possible entre d’une part les aspirations légitimes de l’humanité au progrès économique et social et d’autre part la préservation des milieux naturels et des espèces qu’ils abritent ainsi que des paysages et du patrimoine.

On peut s’interroger sur ce qu’il aurait pensé de l’interruption brutale et inexpliquée de l’aménagement de la liaison fluviale Mer du Nord-Méditerranée lui qui longtemps présida l’association qui militait pour la réalisation de cet ouvrage destiné à réduire les transports de marchandises par route. On peut relire avec un réel intérêt un article publié dans le Monde en 1989 sous le titre « TGV et voie d’eau même combat » : Il est signé Philippe LAMOUR. Il fut avec Paul DELOUVRIER l’un des bâtisseurs de la France moderne et donna à son œuvre toute sa dimension dans la France pompidolienne.

Lors de l’inauguration de la place qui porte son nom (photo LSP)

Homme de grande culture, Philippe LAMOUR s’est fait le chantre de la mise en valeur du patrimoine. Quand le Crédit Agricole crée sa Fondation pour les Pays de France, c’est à Philippe LAMOUR qu’il confie le soin de la présider. Ce qu’il fera avec autorité jusqu’à sa mort. Il préside l’association pour la Via Domitia pour promouvoir en Languedoc une autre forme de tourisme le long de cette ancienne voie romaine. Plus anecdotique, il a créé l’association « Les amis de Ceillac » comme il avait crée et animé le concours national « Village que j’aime ».

Dans le Monde daté du 27 juillet 1992, André Fontaine écrivait : « Cette longue existence, et si remplie, aura mis Philippe LAMOUR au contact de tout et de tous, des plus humbles aux plus célèbres. Bâti à chaux et à sable, généreux encore qu’abrupt à l’occasion, infatigable, l’esprit d’une vivacité et d’un humour toujours en éveil, débordant d’idées et d’anecdotes, amoureux de la nature et des êtres, ne se laissant intimider par rien ni par personne, il aimait la vie, qui le lui rendait bien, au point de s’identifier à elle. L’espèce est devenue rare de ces hommes d’action capables de s’émerveiller d’un sourire d’un rayon de soleil, d’un rien…Dieu sait pourtant si on en aurait encore bien besoin ».

Voilà évoquée brièvement ce que fut la vie de Philippe LAMOUR, exceptionnel semeur d’idées selon Maurice CLAVEL , né il y a cent ans aujourd’hui. Dans les mois qui viennent une exposition et des conférences seront organisées à Ceillac pour découvrir la personnalité attachante et l’actualité de la pensée de cet homme hors du commun dont le chemin, un jour, a rencontré le nôtre.

Christian GROSSAN ~ 2003

en téléchargement : plaquette philippe Lamour (éditions Amis de Ceillac ~ pdf 48 pages)

Galerie (photos Archives)

Article écrit par Michel C.
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